Mon périnée, je m’en occupe
par Marie Panier, DO, ostéopathie périnatale
Un peu d’histoire
La médecine occidentale ne s’intéresse que depuis peu à la fonction du périnée, et plus récent encore est l’intérêt qu’on porte à sa rééducation et sa protection.
La chirurgie réparatrice était il y a peu de temps, la seule alternative lors de l’apparition de problèmes.
Ce n’est qu’en 1984 que la rééducation périnéale fut mise à l’honneur en Europe tandis qu’ici sur le continent américain, on ne parlait pas encore d’éducation ou de prévention.
La seule proposition préventive lors de l’accouchement était l’épisiotomie.
Le fait que le périnée soit encore considéré comme «zone tabou» ne joue pas en faveur de sa connaissance, encore moins de son éducation. Il est d’ailleurs étonnant que de nos jours, de nombreuses femmes découvrent cette partie de leur intimité corporelle lors de leur première grossesse au cours des séances prénatales.
En Europe, voilà près de 30 ans que l’éducation et la rééducation périnéale font l’objet de soins particuliers intégrés dans le suivi classique d’accompagnement pré et post-natal.
Bien heureusement, cet intérêt est présent maintenant sur notre continent depuis une dizaine d’années.
Il suppose des personnes formées à ce type de travail ( Physiothérapeutes, médecins, infirmières, professeurs de yoga spécialisé…), motivées par le travail corporel, et ayant une bonne perception de leur propre corps, ce qui suppose un travail personnel. Ceci est en effet capital puisqu’il a été prouvé que les problèmes d’incontinence urinaire pouvaient être causés dans 35% des cas par des séances de gymnastique post-natale mal adaptée.
Nous sommes donc en train de lever le voile sur un problème pudiquement caché par les femmes, mais heureusement identifié par les professionnels de la santé à qui il tient à cœur d’intervenir en prévention, éducation et rééducation auprès des femmes durant la période périnatale voire plus tardivement.
Nous savons que 80% des atteintes du plancher pelvien chez la femme sont inhérents à la grossesse et à l’accouchement. Et puisque nous savons également qu’une bonne éducation ou rééducation faites par des professionnels accrédités à cet effet, peut changer positivement et drastiquement la vie sociale et intime de 3 femmes sur 4, nous vous encourageons à consulter durant la période prénatale et post-natale.
Cher périnée, qui es-tu? Où es-tu?
Le périnée, pour le décrire très schématiquement est le hamac musculaire qui ferme notre abdomen par le bas. Il est situé entre le pubis, les ischions latéralement, le coccyx en arrière et contient 3 orifices d’arrière en avant : l’anus, le vagin, et l’urètre.
L’arrière du plancher pelvien est le plus épais, plus tonique et plus fort que l’avant. L’anus doit en effet retenir les selles alors que l’urètre lui, est plus fin et plus adéquat pour gérer les fluctuations de l’urine. De nombreux muscles se croisent et s’entrecroisent d’avant en arrière, d’un côté à l’autre, superficiels, profonds, sphinctériens… Très schématiquement et sans entrer dans les détails d’un cours d’anatomie à son sujet, il est important de le visualiser et de le percevoir dans son ensemble.
Certains appellent «périnée» la seule petite partie comprise entre le vagin et l’anus. C’est précisément celle-ci qui sera détendue, étirée, distendue lors du passage du bébé. C’est donc elle réintégrée dans l’ensemble du plancher pelvien, qu’il est intéressant d’éduquer ou de rééduquer.
Qu’entend-on par éducation périnéale?
Il ne serait pas fou d’apprendre aux petites filles (et aux petits garçons d’ailleurs, car l’incontinence concerne aussi les hommes par l’incontinence anale) à situer leur périnée, à en prendre conscience et à le verrouiller lors d’efforts intense (toux, port de charges, changements de position, sport, rire, montée des escaliers…)
Car rappelons ici que 60% des femmes athlètes olympiques souffrent d’incontinence urinaire lors de la pratique de leur discipline et que 13% des adolescentes sont également incontinentes au cours d’éducation physique. Pourtant, les unes comme les autres sont encore jeunes et n’ont pas accouché. Ceci démontre à quel point cette région du corps est mal protégée et mérite qu’on s’y intéresse.
Périnée, oh périnée, que puis-je faire pour t’apprivoiser?
1) SITUEZ VOTRE PÉRINÉE
Assise sur une chaise, en appui avec les avants bras sur les cuisses (pour libérer le périnée du poids des abdominaux), contractez le périnée comme ceci :
-Un peu
-Un peu +
-le + fort possible
Tenez quelques secondes et relâchez :
-un peu
-un peu +
-tout à fait
L’image de l’ascenseur qui monte du rez-de-chaussée au 3ème étage, puis redescend après y être resté quelques secondes peut vous aider. On peut compléter cet exercices par le relâchement accru en faisant descendre l’ascenseur au (-1) sous-sol.
Cette même prise de conscience peut se faire couchée sur le dos, les jambes pliées, les pieds posés sur le sol.
2) Une fois cette prise de conscience intégrée, dans la même position pour commencer, intégrez-y la respiration.
-verrouillez le périnée (=contraction maximale)
-expirez en maintenant la contraction
-en fin d’expiration relâchez la contraction et inspirez
-répétez cette séquence le temps de quelques respirations sans essoufflement
-pour augmenter l’effet de cet exercice, intensifiez la contraction tout au long le l’expiration, ou encore, allongez l’expiration.
ATTENTION : Il est important de rythmer votre respiration de manière à ce que le périnée ait le temps de se contracter et de se relâcher dans son ensemble (dans l’entièreté des fibres et dans toute son épaisseur soit +/- 5 secondes)
D’autre part, si vous sentez que le périnée se relâche au milieu de l’expiration, stoppez l’exercice et revenez au premier.
Si vous éprouvez quelques difficultés à situer votre périnée voici quelques » petits trucs » :
1) Essayez d’arrêter (ou de freiner si l’arrêt n’est pas possible) l’urine lors de la miction. Faites-le 1 seule fois et au milieu de la miction (au début le débit est trop important, à la fin, vous risqueriez d’arrêter la miction et de garder de l’urine dans la vessie).
2) Assise confortablement, appuyée, dos contre des coussins, jambes fléchies et écartées, plantes des pieds l’une contre l’autre. Choisissez un moment calme dans un endroit où vous ne serez pas dérangée. Placez la main à plat sur le plancher pelvien (talon de la main près du pubis, bouts des doigts vers le coccyx). Contractez le périnée, suivant les consignes précédentes; votre main vous donnera une sensation même si vous ne sentez pas encore bien la contraction de votre périnée via ce dernier.
3) Dans la même position, mais cette fois sans vêtements, placez un petit miroir devant vous et répétez la même contraction. Vous aurez ici la confirmation visuelle de ce que vous faites.
4) Couchée sur le dos, les genoux pliés et les pieds posés :
– Verrouillez le périnée
– Expirez en écrasant le sol ou le tapis avec la région lombaire (bascule du bassin) en gardant la contraction du périnée tout au long de l’exercice;
– Relâchez en fin d’expiration et inspirez.
– Refaire quelques fois selon le rythme de votre respiration.
Maintenant que le périnée est bien situé, il est plus intéressant dans le cadre d’une bonne éducation périnéale, de la travailler : dans différentes positions, dans le mouvement, dans la pesanteur, car c’est dans la vie de tous les jours que le plancher pelvien doit pouvoir répondre aux sollicitations.
Reprenez les exercices 1, 2 et 3 pour bien ré apprivoiser la sensation dans différentes positions et situations :
– Couchée dur le dos. Pieds posés sur un mur
– À 4 pattes
– debout dos appuyé contre un mur
– debout sans appui (dans une file d’attente par exemple)
– en marchant
– assise sur vos talons
– en montant les escaliers
– couchée sur le côté, tête soutenue par une main
– assise en voiture (au feu rouge par exemple)…
Plus vous freinez la sortie de l’air en pinçant les lèvres lors de l’expiration, plus vous sollicitez la contraction des abdominaux et augmentez par le fait même la contraction du périnée.
5) En position debout, placez une main sur le bas du ventre (juste au dessus du pubis)
– Verrouillez le plancher pelvien
– Expirez rapidement et fortement en contractant les abdominaux par à-coups jusqu’à vidange des poumons
6) Puisque le plancher pelvien et le diaphragme thoracique sont en synergie (ces 2 diaphragmes sont parallèles), prenez conscience de votre cage thoracique, fermée en bas par le diaphragme thoracique ou respiratoire, au même titre que le périnée qui ferme l’abdomen.
Pour en prendre conscience, installez-vous confortablement assise en appui sur des coussins, jambes fléchies, genoux écartés, plantes des pieds l’une contre l’autre. Placez les mains à plat sur le bord de la cage thoracique, et respirez profondément, en étant attentive aux mouvements de celle-ci. À l’inspiration, les côtes s’écartent et se soulèvent, à l’expiration, elles se resserrent et redescendent. Une fois cette prise de conscience faite, continuez sans l’aide des mains et accentuez le mouvement de vos côtes.
Dans un troisième temps, essayez de mobiliser votre cage thoracique selon les mêmes paramètres mais indépendamment de votre respiration cette fois.
Lorsque ceci est devenu facile pour vous, ajoutes-y la contraction du périnée et comparez le degré de facilité de cette contraction en fonction de la position du diaphragme thoracique, soit diaphragme en haut et côtes écartées ou diaphragme abaissé et côtes resserrées.
Vous voici devenues experte dans « l’art de l’éducation périnéale ». C’est, comme vous l’avez compris, une excellente manière de préparer la naissance de votre bébé, mais une merveilleuse prévention pour maintenir votre plancher pelvien en santé (moins d’épisiotomie et de déchirure périnéale suite à une préparation adéquate). De plus, votre vie sexuelle, comme vous pouvez vous en douter, en sera toute « ragaillardie »